On l'a attendu, redouté, espéré,
envisagé, peu importe. L'émotion est la même. Mélange de joie et
d'excitation avec une bouffée d'angoisse en arrière fond. La prise
de sang ne viendra que confirmer ce que l'on sait déjà, ce que l'on
ressent, ce que ce petit test nous indique avec son air innocent:
Quelque chose a changé et rien ne sera plus comme avant.
Notre nombril.
Au début, on le regarde avec
curiosité, rien a changé ou presque pour les chanceuses qui ne
souffriront pas vraiment "d'effets secondaires". A part une
grosse fatigue, comme si notre corps nous avertissez sur la période
de couvade à venir, nous familiarisant avec notre nouvelle meilleure
amie: la fatigue. On apprivoise doucement son état et on entrevoit
notre avenir en tant que futur parent.
(...)
Devenir parent.
Quelle drôle d'idée de vouloir
enfanter d'autres petits humains dans ce monde déjà pas très net.
On a déjà tellement détesté nos parents pour les dégâts qu'ils
ont pu faire et ne surtout pas vouloir reproduire les mêmes, que
prendre une telle responsabilité, en espérant faire mieux, paraît
surtout bien prétentieux... On pourra se donner milles et une
raisons pour justifier l'envie de devenir parent...Bonnes ou
mauvaises, il s'agit surtout d'une envie irrationnelle au départ qui
vous prend un beau matin en vous imaginant le nombril en relief et
qu'il appartient à chacun de se dire qu'elle fondera ou non son
bonheur.
Vous reconnaîtrez
que c'est tout de même une expérience fascinante qui possède une
part de magie même pour ceux qui la trouve "étrange".
Porter en soi un être humain que l'on construit l'air de rien est
quand même quelque chose d'assez dingue même pour nous même !!
Expérience partagée par des millions de femmes sur Terre qui
pourront en parler entre elles des heures entières mais qui le
vivent pas moins seule, intimement dans leur chair. Même si nous
tentons désespérément de faire partager au papa ce qu'il peut à
peine effleurer et percevoir de là où il est, en tirant sa main
pour venir la coller de longs instants sur notre ventre, le menaçant
de mort s'il ose se défendre !
Au début, la question qui revient
souvent c'est : "Ca ne te fait pas bizarre d'avoir un alien
qui gigote dans le ventre ? " Oui, même votre conjoint se
posera la question même s'il n 'osera pas vous la poser
directement...Et vous essaierez désespérément d'expliquer avec un
air ahuri que cela vous a paru naturel dès que cela
s'est manifesté. Vous finirez alors définitivement par être perçu
comme un véritable extraterrestre par votre interlocuteur. Bon ça
dépend des femmes bien sur, ce n'est pas un cas général, mais à
partir du moment où l'on sait qu'il est là , notre main passe
inconsciemment 200 fois par jour comme une caresse bienveillante et
apaisante sur notre bidon naissant. On le dorlote, le caresse, on le
protège, lieu de recueil et de douceur, chaque coup nous apparaît
comme un miracle et l'on esquisse un sourire béat.
Au cours des premiers mois, on ne
change pas vraiment nos habitudes. On remet les mêmes vêtements qui
se tendent joliment sous notre petit bidon naissant. On se sent
jolie, féminine, désirable, accomplie. Le premier trimestre passe
en un éclair entre projections et idéaux.Puis on entame le deuxième
plus sereine, rassurée que bébé soit bien accroché et que les
premières analyses aient été validés alors qu'on arrive plus à
imaginer notre vie sans qu'il fasse partie de nos projets.
Puis on rentre dans le vif du sujet.
Les examens médicaux s'intensifient et notre tour de taille aussi.
Le ventre n'est pas le seul à s'arrondir et il ne se laisse plus
vraiment oublier. Chéri s'en étonne tous les jours de le trouver
encore plus rond que la veille. On dit au revoir avec nostalgie (et
angoisse) à notre jean favori et ce joli chemisier cintré parce
qu'on ne sait réellement pas quand est ce qu'on se reverra le
porter. Nouveau corps, nouvelles courbes. Si on s'habitue très vite
à l'idée de porter un enfant en devenir blottit en nous dans un
ventre qui s'étire à l'infini , perdre le contrôle de son corps et
le voir changer n'est pas chose facile. Nous devenons un nid, un
cocon, un hôtel 4 étoiles ( 5 si on considère nos menu
gastronomiques avec les fines pâtisseries et gourmandises dont nous
sommes les seules à payer le prix tandis que baby se lèche les
babines ... ).
La grossesse: merveilleuse période de
plénitude où un clignement d'oeil suffit à nous essouffler, où nos
mouvements sont semblables à ceux d'une otarie lorsqu'on essaie de
trouver une position confortable dans le lit, où on se lève 7 fois
dans la nuit pour soulager sa vessie, sans doute encore une ruse de
notre corps pour nous entraîner à nous réveiller la nuit pour
notre progéniture j'en suis sûre !
Psychologiquement, on est étriquée,
écartelée entre envie de rire et envie de pleurer, moments
d'euphorie et d'angoisse panique, envie de tout...puis de rien.Sauf
que l'écart entre les deux états ne varient pas d'un jour à
l'autre mais d'une minute...à une autre. Humeurs changeantes et
crises de nerfs. Bienvenue dans ma tête de femme enceinte.
Je suis
sûre de tout et plus sûre de rien. Je ne me suis jamais sentie
aussi invincible et vulnérable. Stressée et confiante. Fatiguée et
enthousiaste. Les hommes essaient de suivre puis renoncent,
comprenant eux aussi pourquoi on appelle le jour J :
la DELIVRANCE.
Etre enceinte est un paradoxe. Nous
sommes les plus heureuses au monde d'attendre la vie mais tout aussi
démunie face à ce qui nous arrive et dont nous sommes la
principale protagoniste.
On s'affirme dans nos choix, nous
sentons déjà mère. Depuis que ce bâtonnet s'est affiché sur ce
test urinaire, on ne voit plus vraiment les choses pareils. Réflexe
protecteur ou instinct de mère, on fuit tout ce qui nous affecte,
tout ce qui pourrait nuire à notre nid en devenir. 9 mois n'est pas
de trop pour tout mettre en place en même temps que nos
raisonnements de parents. On essaie de se rassurer face au
bouleversement qui nous attend. On s'assure que rien ne va manquer,
que nous sommes parés à toute éventualité, prêts à tout
anticiper. On se tire les cheveux pour ne rien oublier, pour penser à tout et au mieux pour bébé. Ca nous rassure, nous réconforte en espérant que cela
nous rendra plus fort, plus prêt et rendra plus doux le cataclysme que demeure
l'arrivée d'un premier enfant.
Puis...Les mois passent...On souffle...
On se détend, on relâche la pression
et on profite de l'instant...
On reste envahit par un sentiment de plénitude et de sérénité la majeure partie du temps.
A quoi bon après tout , nous ne savons
pas de quoi sera fait demain et on s'est assez fait confiance pour affronter ça ensemble et ne pas douter de nos lendemains.
Devenir parent nous apprend à
relativiser, à lâcher prise, à s'émanciper de l'image de
perfection de la famille parfaite que la société s'efforce de nous
donner, à se faire confiance, à positiver, à se serrer les coudes,
à ne pas perdre de vue l'essentiel, à accepter de ne pas pouvoir
tout contrôler, à se laisser porter par l'inconnu et ce que la vie
va nous apporter, à se lancer dans une grande aventure d'amour,
maternel et paternel qui nous changera à jamais.
Nous ne serons pas des parents
parfaits, tout ne se passera pas comme on l'avait imaginé, mais ce ne sera que du bonheur à l'arrivée.
Alors en attendant, toutes sur la ligne
de départ, le chrono est déjà lancé ! ;-)
Aux reines sans couronnes.
Merci au site www.kopines.com pour leurs illustrations.